Une mission, encore une ! Au fond de lui, Ethyl attendait ce moment depuis si longtemps. Ce qu'il avait eu du mal à accepter, c'était qu'elle n'avait rien d'un parcours de santé pour lui. Le conseil lui avait ordonné de parcourir la forêt de tyto à la recherche de traces des sangs purs. Autant chercher une aiguille dans une bote de foin sachant la discrétion de ses ennemis historiques.

Pire que tout, c'était l'impossibilité d'avoir l'aide de ses membres de squad qui le grisait. Loin de là le coup de serre de Sulken, Barrans ou même Gartor... comme si on voulait le mettre à l'épreuve, remettant en question ses performances dans la réalisation des tâches ingrates. Ou peut-être que la mission était plus risquée que les apparences le lui laissait présager.

Il avait donc quitté le grand arbre machinalement, sans trop se poser de questions. Le petit gardien espérait juste que plus vite il aurait montré que tout était des plus normal à Tyto, plus vite il pourrait profiter d'un bon moment de calme avec Achlys.

Le vent était vigoureux ce soir là... à tel point que l'effraie mélanique avait choisi de voler au plus près du sol. Il y avait toujours un risque que les prédateurs rampants, véritables virus dans un monde gouverné par les chouettes, mette un terme de manière tragique à son envolée sauvage. Mais c'était un risque à prendre quand on voulait éviter de se faire désarçonner à la moindre bourrasque.

Soudain, ce ne fût pas un animal à pattes qui attira son attention, mais une flèche haute en couleur passant pas loin à vive allure, telle un arc en ciel. Qu'était-ce ? Il n'avais vu cela.

Poussé par la curiosité mais en restant sur ses gardes, Ethyl se lança à la poursuite de l'oiseau inconnu.

Vite, vite ! Trouver de quoi manger ! Cela faisait des jours entiers que Reydd travaillait sur la commande d'une chouette lapone solitaire qui lui avait demandé une paire de serres sur mesure, gravées à son nom. Elle avait promis très cher au cacatoès, et celui-ci s'exécutait à la tâche minutieusement depuis des jours durant. Il en avait totalement oublié de renouveler son garde-manger. Et voilà que le stock était vide et que le ventre du forgeron criait famine.

Il n'avait même pas pris la peine de camoufler son plumage coloré dans la boue et était parti à toute vitesse, armé de sa fidèle dague, à la recherche de noix ou de baies qui pourraient le rassasier.
Mais au bout de quelques minutes de vol, il sentait que quelque chose n'était pas normal. Il se sentait... épié. Et son instinct ne le trompait presque jamais.

D'un geste brusque, il se retourna soudainement, sa dague en avant.

Qui est là ?

Cela faisait plus d'une minute qu'Ethyl suivait cette drôle de bête à plumes rouge et il commençait sérieusement à s'épuiser. Le vol de cet oiseau était rapide et lui permettait d'en savoir plus sur celui qu'il poursuivait. En tout cas, il pouvait être sûr que ce n'était pas une effraie. Mais alors, de quel oiseau il s'agissait ?

Tentant de calquer son rythme de vol sur celui de la flêche colorée, l'effraie aux plumes de nuit compris vite qu'elle se ferai distancer en moins de temps qu'il en fallait pour le dire. Peut-être que le poursuivit allait s'épuiser avant le poursuivant espérait Ethyl.

C'est au détour d'un arbre que la surprise se produisit : l'oiseau, qui était clairement un perroquet, avait fait volte face. Il pointait une dague dans sa direction... une arme qui risquait de se montrer mortelle vu la vitesse à laquelle il s'en approchait.

"Qui est là" s'était-il exclamé.

Mais Ethyl n'avait eu le temps de lui réponde, ni même le réflexe de l'éviter. Tout juste avait-il eu le temps de parer la dague d'un rapide geste de sa serre avant de percuter l'oiseau coloré.

Quelques instants plus tard, les deux oiseaux tombaient à la renverse, Ethyl entrainant l'inconnu dans sa chute.

Un tyto jais venait de faire son apparition. Mais Reydd n'eut le temps d'agir et il fut entraînée au sol avec son assaillant. Un bosquet étouffa leur chute, leur évitant ainsi de se briser le dos sur le sol.

Le premier réflexe du cacatoès lorsqu'il prit conscience de ce qui venait de lui arriver fut de chercher sa dague, qui avait disparu dans les feuillages. Il ignora totalement l'effraie noire qui avait provoqué sa chute, sans pour autant baisser sa garde : il restait attentif malgré tout même s'il avait le dos tourné.
Reydd finit par la retrouver et soupira de soulagement en la prenant dans ses serres.

La chute fût plus douloureuse que ce qu'Ethyl aurait pu l'imaginer et lui fit perdre quelques plumes. Il lui fallût de longues secondes pour retrouver ses esprits mais il sauta sur ses pattes dès qu'il le put, sur la défensive, prêt à sauver sa peau sur un sol si inhospitalier.

En un éclair, il bloqua le cacatoes qui tentait de se saisir de son arme en écrasant la dague avec sa serre. N'étant pas armé lui même, il préférait éviter d'avoir à en découdre avec un oiseau armé, aussi surprenant pouvait être un perroquet portant une lame aiguisée.

"Qui es-tu ?" lui lança-t-il avec froideur.

Mais l'oiseau inconnu n'eu pas le temps de répondre qu'un bruissement de feuille attira leur attention.

Reydd entendit un craquement, mais c'était déjà trop tard. L'autre venait de bloquer la dague avec sa serre et ne semblait pas prêt à lâcher l'affaire ! Mais pas question pour le cacatoès de repartir sans son épée glacée.

Qui es-tu ? lança farouchement le tyto.

Là n'est pas la question, puis-je reprendre ma d...

Un bruissement le fit taire d'un coup. À travers le feuillage d'un buisson, il aperçut deux grands yeux rouges et brillants, qui les fixaient sans relâche.

Un lynx. Pas un bruit, ne bouge pas, chuchota Reydd, les plumes hérissées mais immobile.

Ethyl fut bien surpris de la réponse du perroquet haut en couleur. Point d'insultes, bien que cela soit une véritable religion pour tous les oiseaux qui n'étaient pas des chouettes. Au lieu de cela, une simple demande qu'Ethyl aurait presque accepté si les deux volatiles n'avaient pas été interrompu dans leur rencontre fracassante (et c'était le cas de le dire).

Un lynx. Pas un bruit, ne bouge pas

Le cacatoès avait vu juste. Mais d'instinct de chouette, il n'était pas question de s'immobiliser. Ho ça non ! pour qui le prenait-il ce drôle d'oiseau coloré ?

Les piafs qui piquaient dans les orties au moindre danger, il en connaissait beaucoup, et ils n'avaient jamais vécu très longtemps pour raconter leurs aventures. Lui, il avait une autre méthode qu'il résumait par : plus loin du sol il se trouvait et plus grandes ses chances de survie étaient.

Alors, sans même réfléchir plus longtemps à la probabilité que le lynx l'attrape avant qu'il n'ait pris assez d'altitude, il s'arracha du sol. Son battement d'aile fût puissant, relâchant son emprise sur la dague du perroquet, en espérant que l'autre oiseau ait eu la même idée que lui.

Le moindre mouvement aurait pu agiter la bestiole, qui d'instinct se serait jetée. Reydd espérait que cet espèce de cracheur de pelotes avait un minimum d'intelligence et qu'il ne bougerait pas d'une plume. Mais il s'était trompé. L'autre venait de s'enfuir à tire-d'ailes, déchaînant la fureur du lynx.

Ce dernier se jeta sur le cacatoès, qui esquiva d'un geste vif. Une seconde de plus et il aurait fini dans la gueule du félin ! Le forgeron saisit rapidement sa dague, que la chouette avait laissé, et se mit à battre des ailes, menaçant l'animal avec son épée de glace.

HA ! HA ! RECULE ! hurlait-il dans l'espoir d'intimider la bête.

Celle-ci n'était décidément pas commode, et au lieu de battre en retrait comme l'aurait n'importe quel animal normal, celui-ci se mit à donner des coups de patte en l'air, et il finit par atteindre l'oiseau, qui roula au sol, lâchant son arme, au passage.

De mémoire de chouette, c'était sans doute le décolage le plus rapide de son histoire. Après tout, ce n'était pas tous les jours que l'on était menacé par plus gros que soit. De son ouie fine, il ne distingua aucun bruissement d'aile. Le drole de volatile coloré avait-il eu une autre idée pour sauver ses plumes ?

Puis des cris de rage venant de derrière lui se firent entendre. Faisant folte face, il vit l'oiseau arc en ciel tenter vainement de se défendre face à un animal de quatres fois sa taille. Mais qu'avait-il dans la tête ? Avait-il au moins entendu parler du mot « instinct de survie » ?

Il ne fallut pas longtemps au lynx pour dominer ce qui allait sans doute être son repas du jour. Enfin… c'était sans compter sur l'entraide entre volatiles. Il n'était pas questin qu'Ethyl laisse faire une chose pareilles. Il ne connaissait pas ce drole d'oiseau, il risquait aussi de ne jamais le recroiser un jour… mais son instinct le poussait tout de même à le protéger du mieux qu'il puisse.

Le gros mammifère lui tournant le dos, l'occasion était trop belle pour ne pas en profiter. C'est donc avec un courage immense selon lui, par une accrobatie digne des meilleurs parchemins de la guerre de hoole… qu'il attrapa la queue du gros chat par le bec avant de tirer dessus de toutes ses forces.

Oui, on a vu plus héroïque comme comportement… mais du moment que le cacatoes et lui même en sortaient indemne, où était le problème?

C'en était fini. L'animal allait se jeter sur lui et le dévorer... Ou pas. La chouette était revenue et s'attaquait avec férocité à la queue du lynx, qui oublia instantanément la présence du cacatoès. Parfait, c'était le moment où jamais !

D'un geste vif, Reydd ramassa son arme et vola en direction du lynx. Le but de la tactique était de l'effrayer, pas de le blesser - ou alors très peu - afin de le faire fuir. Il se mit alors à battre violemment des ailes devant le museau de la bête, qui était totalement déboussolée entre le tyto noir et le perroquet !

Le combat à deux réduisait considérablement l'avantage du Lynx, mais encore fallait-il avoir des oiseaux à sa taille. Là, entre un tyto alba clairement maigrichon pour son espèce, et un cacatoès à peine plus grand que lui, il ne fallut que peu de temps au rampant pour se sortir de l'attaque.

D'un vif coup de patte arrière, il frappa Ethyl au ventre, lui faisant lâcher prise. Ce dernier, le soufle coupé par ce geste, fit un vol plus ou moins plané, des poils de lynx dans le bec. L'atterissage fut aussi violent que le reste et Glaucis soit loué qu'il n'eu rien de cassé.

Le nocturne enfin mis hors combat, le lynx continua sa riposte d'un solide coup de patte avant sur l'oiseau coloré. Réduit au rang de simple spectateur, l'effraie vit le cacatoes être projeté lui aussi.

« Attention !!! » chuinta Ethyl de toutes ses forces.

En effet, le lynx semblait prêt à mettre à mort Reydd sans même lui laisser le temps de se relever. Sa dague était le seul obstacle entre lui et la gueule du félin, Ethyl espérait de tout son gésier qu'il réussirait à s'en sortir indemne… tous les deux.

Aouch ! Sans même avoir eu le temps de savoir ce qui s'était passé, le cacatoès s'était retrouvé projeté contre un arbre. Il poussa un cri de douleur et tomba au sol. Le lynx s'approchait, plus enragé que jamais.

Le tyto noir était derrière l'animal et lui hurlait de faire attention. Oui, oui, comme s'il avait eu besoin de ce conseil peu précieux ! Il savait qu'il fallait faire attention face à un lynx, tout de même !

L'autre semblait sur le point de se jeter sur le cacatoès quand ce dernier ramassa d'un geste vif sa dague la pointant vers l'animal.

Cruelle nature sauvage ! Comme Ethyl s'en doutait, le Lynx bondit sur le cacatoes, projetant ses deux pattes avant pleines de griffes sur l'oiseau coloré. Il y eu un grand cri plaintif puis plus rien. Pourtant, ce cri terrifiant n'était pas celui d'un oiseau, c'était plutôt un mélange d'un miaulement étouffé par une plainte donc seule une profonde douleur pouvait en être la cause.

L'effraie charbon vit le félidé reculer en boitant, une patte ensanglanté. L'état de Reydd n'était pas plus reluisant... l'oiseau arc en ciel étant maculé d'un liquide ocre. Cependant, rien ne lui permettait de dire s'il avait été blessé lui aussi dans la confrontation.

C'était l'occasion ou jamais de se débarrasser de ce mangeur d'oiseau une bonne fois pour toute... de tenter de se montrer plus courageux qu'il ne l'avait été jusqu'alors. Sans plus attendre, Ethyl décolla et fonça toutes serres ouvertes sur l'arrière train du lynx. Il voulait lui faire comprendre qu'il n'en avait pas fini avec les deux combattants à plumes. Il n'était pas question qu'ils finissent tous les deux en casse croûte sans même offrir un combat digne de ce nom par Glaucis !

[C'est a toi de décider si Reydd est blessé :) ]

L'animal recula en hurlant, et Reydd grogna en sentant un liquide chaud et poisseux se faufiler entre ses plumes. Le lynx l'avait griffé, mais les blessures étaient légères. Rien de bien grave, le cacatoès était toujours prêt à en découdre !

Le tyto noir planta ses griffes dans l'arrière-train de la bête, qui se mit à gémir de douleur et à courir dans tous les sens. Le terrible prédateur griffu des bois, naguère si effrayant, était totalement ridicule et Reydd étouffa un rire en le voyant gigoter ainsi.
Finalement, le lynx s'enfuit à travers les fougères en poussant de petites grognements apeurés.

Le perroquet atterrit au sol et examina son plumage. Du sang, du sang partout, une horreur. Il l'avait pas raté la bestiole ! Sa dague était également pourpre.
Il la frottait contre son aile en grognant afin de la nettoyer, quand il se rappela qu'il n'était pas seul.

Le charbonnier se tourna vers l'effraie noire et lui adressa un regard imperceptible.

Tu n'y vas pas de serre molle quand tu te bats toi !

Finalement, il sembla que leurs efforts mutuel pour faire battre en retraite le monstre porta ses fruits. L'attaque du gardien fit mouche, tout comme la dague de l'oiseau multicolore. Avec leurs deux frappes portés sur le lynx, il n'en fallut pas plus pour le voir battre en retraite sans doutes avec bien plus que des cicatrices. Il allait y réfléchir à deux fois lorsqu'il prendrait pour cible des animaux à plumes !

Après que ce dernier disparu dans les buissons en couinant de douleur, le silence revint. Ethyl n'était pas spécialement fier du coup qu'il avait porté sur le lynx. Au contraire de son petit sens de l'honneur, chose dont il faisait si rarement preuve, qui lui donnait du baume au coeur. Oui, c'était ça après tout, que d'être gardien !

Ils auraient pu éviter un bain de sang si le cacatoes avait daigné fuir avant l'attaque du félin. L'effraie n'avait contre-attaqué que pour protéger son compagnon d'arme d'un instant, poussé par son gésier, là où sa tête le poussait à ne se préoccuper que de sa propre survie.

Tu n'y vas pas de serre molle quand tu te bats toi !

Ethyl se tourna vers le cacatoes avec un regard froid, faisant mine de ne pas avoir pris la remarque trop mal. Perdu dans ses pensées, il l'avait un peu oublié qu'il était encore vivant celui-là.

"Mmmm... Merci si je puis dire. Drôle d'instinct de survie que tu as là... un peu de courage... et une dague..." Dit-il avec mépris en montrant successivement le porteur de l'arme, puis sa dague.

Comment faisait-il qu'il soit encore de ce monde s'il ne savait prendre la fuite à temps ?

L'effraie lui avait adressé en retour un regard glacial.

" Mmmm... Merci si je puis dire. Drôle d'instinct de survie que tu as là... un peu de courage... et une dague... "

La manière dont cet oiseau parlait était plus qu'étrange. Était-il surpris ? Les plumes de Reydd se dressèrent sur sa tête. Serait-ce encore l'un de ces stupides cracheurs de pelotes pour qui les autres "mous du croupion", comme ils appelaient affectueusement les autres oiseaux, étaient des moins que rien ? Le cacatoès n'en aurait pas été étonné. Tous ces bouffons de hiboux pensaient la même chose. Enfin, il ne ferait pas la remarque.

" J'ai toujours vécu comme ça, qu'y voulez-vous ? "

Il contemplait sa précieuse dague de glace tout en parlant.

" Parfois faut savoir prendre des risques. Sans quoi la vie est inintéressante ! "

" J'ai toujours vécu comme ça, qu'y voulez-vous ? Parfois faut savoir prendre des risques. Sans quoi la vie est inintéressante ! "

La réponse du cacatoes était juste après tout, une vie n'avait aucune saveur sans ces instants de pure émotion. Des moments où l'adrénaline coulait dans ses veines, lui offrant la peur nécessaire pour se surpasser. C'était comme ça qu'il avait vécu son adolescence après tout, à toujours prier sa bonne étoile pour avoir la chance de revoir un lever de lune. Des petits instants qu'il avait quelque peu oublié avec l'âge, effacés par ce que d'autres appelait sagesse.

Plus il vieillissait et plus il s'attachait aux êtres, aux choses, et aux valeurs... le rendant trop sensible pour vivre de risques et sans lendemain. Maintenant, il avait des projets... avec Achlys, les gardiens et Corone.

Vieillissait-il ? Sans doutes trop... malheureusement.

« Tu as quel âge si je puis me permettre ? »

Sans attendre la réponse de l'oiseau arc en ciel, il ajouta, pour détendre l'atmosphère.

« En tout cas, tu as une bien belle arme... sans doutes ton plus beau protecteur. »