Le 20 décembre 2003, Japon, Presque un mois plus tard...Ce matin là, elle s'était pourtant levée de bonne humeur. La jeune fille s'était levée particulièrement tôt pour un samedi. Elle s'était préparée rapidement, et traversa la cuisine familiale en un clin d'oeil, piquant un croissant fourré au caramel au beurre salé, spécialité de sa mère, au passage. Tout le reste de la famille était encore couchée.
- Allez, viens-là, Piccolo !
Un petit husky sorti de sa panière, tout excité. Le petit mâle sauta dans les bras de la jeune étudiante, tout content de voir l'un de ses maîtres debout. Elle joua quelques instant avec le jeune chiot, avant de se relever et d'attraper sa laisse près de la porte d'entrée. Elle équipa le husky avant d'ouvrir la porte et de sortir dans la rue, tout en finissant d'enrouler sa large écharpe multicolore autour du cou.
- C'est l'heure de la petite promenade !
L'air mordant de décembre lui fit remonter l'épaisse toison de laine jusqu'au nez. Elle plissa les yeux, alors que Piccolo tirait comme un beau diable sur sa laisse pour avancer plus vite. La jeune fille eut un petit rire, avant de forcer le pas pour lui permettre d'avancer à un rythme plus soutenu. De temps à autre, il essaya d'attraper un oiseau, ou de courir après un chat, mais restait plutôt calme dans l'ensemble.
Ils rentrèrent trois quart d'heure plus tard. En rentrant dans la cuisine, la jeune fille se retrouva nez à nez avec son grand frère, de deux ans son aîné.
- Salut, grand frère.
- Keelan. Tu es sortie ?
- Je suis allée promener Piccolo.
En disant cela, elle s'était baissée pour détacher ce dernier, qui se précipita vers l'écuelle d'eau et de croquette, avant de revenir pour sauter sur Keelan et son frère. La jeune fille lui tendit une longue corde à noeud avec un petit sourire
- Tiens, occupes-t-en si tu veux. Je vais y aller si je ne veux pas rater mon bus.
- Tu vas à ton cours de tir à l'arc ?
- Oui, et si je ne veux pas le rater, il faut que je me dépêche. Je ne suis pas majeure, moi.
Keelan se releva, et disparu un instant dans sa chambre, pièce adjacente à celle de la salle à manger, elle-même ouverte directement sur la cuisine et le hall d'entrée. Elle réapparut quelques secondes plus tard, son sac sur les épaules, en train de mettre ses mitaines, de grandes pièces de tissus des couleurs le l'arc en ciel, que la jeune fille adorait particulièrement. Elle remit en place ses bottes, et piocha un autre croissant fourré, avant de rejoindre son frère, qui grattait activement le ventre du petit husky ébouriffé.
- Bon, j'y vais. Je rentre pour le déjeuné !
Elle se baissa pour embrasser la joue de son frère, et sorti pour la deuxième fois de la journée dans la rue. Elle se dirigea vers l'arrêt de bus, tout en fouillant d'une main dans la poche avant de son sac de sport.
Lorsqu'elle arriva à destination, elle réussit enfin à en sortir son porte-monnaie, dans lequel elle retira sa carte d'abonnée. Elle s'assit sur le banc de l'arrêt, et regarda sa montre.
Pour patienter un peu, elle finit de manger tranquillement sa pâtisserie, se léchant consciencieusement les doigts pour enlever les dernières traces de caramel au beurre salé subsistant dessus. Le bus arriva enfin, alors qu'elle finissait tout juste d'effacer les dernières traces de son méfait.
Keelan se leva alors et entra joyeusement dans le véhicule de transport en commun, toute guillerette de la belle journée qui était en perspective. Elle sifflota même en présentant sa carte magnétique au conducteur qui, d'un aire blasé, la laissa passer d'un simple hochement de tête. Elle traversa l'allée centrale d'un air pensif, avant d'aller s'asseoir plutôt au fond du bus, contre la fenêtre, près de la roue arrière du côté opposé des portes. Elle se tourna vers la route, et se perdit dans ses pensées.
Un arrêt. Une personne qui monte, et deux qui descendent. Keelan eut un petit regard pour le nouveau venu, avant de replonger dans ses pensées, planifiant à l'avance son emplois du temps de la journée. Et comment elle pourrait s'organiser pour passer un peu de temps avec son frère, qui était depuis deux ans à l'université, et qu'elle ne voyait que le week end. Elle ne vit pas le temps passer, et les arrêts se multiplier.
Un nouvel arrêt. Un jeune couple monte. La jeune étudiante, comme à son habitude, leur lança un regard plus par réflexe que par réelle curiosité. Un homme brun habillé de sombre monta à leur suite, et vint se placer juste derrière eux, tout, tout à l'arrière du bus.
Elle arrêta là son indiscrétion, non sans hausser un sourcil. Ces deux jeune gens d'à peu près son âge étaient-ils suivit ? Espionnés ? Ce type là avait plus la tête d'un enquêteur que d'un garde du corps... D'ailleurs Keelan avait très vite laisser tomber cette dernière thèse. Oh, et puis, après tout, ce n'était pas ses affaires.
Un autre arrêt, et deux personnes montèrent juste devant elle. ça, en plus des deux autres jeunes femmes derrière elle, l'étudiante se senti vite oppressée. Ils n'étaient que huit dans ce bus, et tout le monde s'obstinait à s'asseoir à l'arrière !
Exaspérée, elle remonta son écharpe jusqu'aux joues, comme si ce simple geste pouvait la protéger des autres et de leur promiscuité. Alors que le bus repartit de plus belle, Keelan regarda le plan du trajet de ce dernier. Plus que quelques stations avant celle de Spaceland. Après, elle devait changer de ligne, sur encore une bonne dizaine de minutes, avant d'arriver au club de tir. Elle eut un petit sourire d'excitation. Tirer à l'arc était l'une de ses plus grandes passions, et il ne se passait pas une semaine sans qu'elle ne brûle d'envie d'aller au club tirer quelques volées. Elle regarda un instant son sac. Dedans, il y avait son carquois et ses flèches, ainsi que quelques accessoires, comme les protections de bras ou bien une corde de rab.
Elle ne se rendit pas compte que le bus s'était à nouveau arrêté, et qu'un étrange personnage, plutôt singulier et atypique, le genre qui vous reste bien en mémoire, venait d'y entrer. Ce n'est quel lorsqu'elle entendit le bruit caractéristique d'une arme qu'on amorce qui lui fit lever la tête. L'homme en question était armé.
Pour une raison qui lui était totalement inconnue, Keelan fut étonnamment calme. En réalité, elle était en plein flottement. Au fond d'elle, la jeune fille était morte de trouille. L'homme lui disait vaguement quelque chose, pourtant, à ce moment précis, elle était incapable de réfléchir. Il se dirigea vers le chauffeur du bus, lui menaçant la tempe du canon de son arme.
- Ce bus est à moi !
Alors que l'ensemble du bus semblait pris d'un frisson de terreur, la jeune fille semblait de plus en plus confuse, se refusant d'accepter que ce qu'il se passait lui arrivait bel et bien en réalité, et que ce n'était pas un mauvais cauchemar, qu'elle allait au moins se réveiller loin de cet enfer.
Pourtant, non, tout était bien réel. Devant elle, les deux personnes crièrent de peur, attirant l'attention du cambrioleur. Sa réaction ne se fit pas attendre, et il cria :
- Eh, on se calme ! Si l'un de vous bouge, c'est lui qui prend !
Puis il se pencha vers le conducteur, lui demandant d'appeler de bureau de Spaceland. Le chauffeur commença à craquer, hurlant que le bus venait d'être détourné par un homme armé. L'homme ricana, avant de lui arracher le combiné des mains et d'ajouter avec un air mauvais :
- Voilà... Maintenant, écoutez-moi bien. Je veux que vous me fassiez amener par une fille en voiture l'argent des entrées d'hier au deuxième arrêt avant Spaceland, "Yûhihama"... Essayez de me jouer un tour ou de prévenir la police et je tue tous les passagers !
D'accord, ce gas-là faisait vraiment dans l'original, pensa sombrement Keelan, toujours figée par l'anxiété. Un mouvement vers sa gauche attira son attention. Le couple de tout à l'heure. Elle ne les voyait pas très bien, le jeune homme lui tournant à moitié le dos, et sa compagne qui était recroquevillée par la peur. Il lui sembla les voir correspondre par messes basses et par moreaux de papiers. Puis l'homme derrière eux, ma mine inquiète, les interpella discrètement, la mine horrifiée. Keelan en conclu que l'adolescent avait prévu de tenter quelque chose. Ce dernier d'ailleurs s'assit au fond de son siège avant de murmurer quelque chose. La jeune fille ne perçut que les derniers mots.
- ... complice de cet homme ?
Il se passait quelque chose, entre ces trois-là, Keelan en était sûre. Cependant, pour ne pas alerter d'homme armé, elle essaya de regarder bien devant elle. Bien malgré elle, ses yeux se dévièrent un instant sur ce trio improbable. L'adolescent regardait avec un grand étonnement une sorte de papier d'identité, ou un porte-feuille, qui remit discrètement à l'homme derrière lui.
Au moment où elle réussit à détourner son attention d'eux, l'adolescent fit tomber un morceau de papier de sa poche. Et réagit de manière vraiment pas maligne, puisqu'il se pencha en avant pour le ramasser, alors qu'il avait chu dans l'allée du bus. Keelan se tendit instantanément. Comme elle l'avait anticipé, l'homme armé l'aperçu également, et se précipita dessus.
- Eh toi, ne bouge pas ! C'est quoi ce bout de papier ?
Il se baissa et le ramassa.
- Petit con ! Tu communiques avec les autres passagers avec des bouts de papier ? Qu'est-ce que vous préparez ? cria-t-il, avant de le lire et d'ajouter : pff... un mémo pour ton rendez-vous... Minable...
Il lui jeta le papier sur la tête. Keelan cligna des yeux, hébétée. L'autre ne semblait même pas effrayé,ni rien. Rêvait-elle, ou il venait même de sourire ? Non, elle devait se faire des idées. C'était sans doute un rictus de soulagement, ou même simplement le fruit de son imagination...
L'homme armé se retourna, soudain menaçant.
- Ecoutez-moi bien,... La prochaine fois que vous me refaites un truc comme ça...
Puis il écarquilla les yeux, et s'interrompit, médusé. Les yeux exorbités, fixant le vide du fond du bus comme s'il s'agissait d'une horreur. Une expression de terreur véritable peignit ses traits. Par réflexe, Keelan regarda autour d'elle. Mais rien ne lui semblait suspect, alors que l'autre regardait quelque chose si fixement qu'il était presque impossible de douter qu'il voyait vraiment quelque chose.
- Mais d'où tu sors, toi ? Le type au fond, là-bas ? Qu'est-ce que ça veut dire ? Depuis quand es-tu là ? Restes où tu es, hein ! je vais tirer, face de monstre !
Il était devenu fou, ou quoi ?
Alors que le gangster braquait son arme contre le fond du bus, Keelan se baissa, se recrovillant sur son siège, alors que la plupart des autres passagers l'imitaient. L'homme en noir tout au fond du bus se leva, et cria
- Il doit avoir une hallucination provoquée par les effets de la drogue... Que tout le monde se baisse !
Il y eut une première détonation. Puis une autre, suivie d'une troisième. Il vidait son chargeur contre la parois du fond du véhicule. La jeune étudiante senti son coeur battre au bord de ses lèvres, raisonnant dans ses tympans. Elle senti sa température corporelle monter en flèche, et un malêtre s'emparer de son ventre. Elle regretta soudain d'avoir mangé ses deux croissants fourrés.
Une balle.
Encore une.
Une autre.
"Oh, mon dieu, faites que Kira le tue ! Faites qu'il ne puisse plus menacer personne !"Keelan chassa rapidement cette pensée de son esprit et frissonna de dégoût. Non, même dans ces moments-là, elle ne devrait pas avoir le droit d'avoir de telles idées. Elle et sa famille étaient contre les agissements de Kira. Elle-même détestait les agissements d'un pareil individu. Pour qui se prenait-il, à rependre un jugement que lui seul estimait juste ? Pour qui se prenait-il, à s'imaginer avoir le droit de vie et de mort sur chacun des citoyens du monde ?
Non, elle était définitivement opposée à de telles méthodes. Alors, elle se mit juste à espérer. Espérer que tout ce finisse au plus vite, pour oublier, et ne plus jamais en parler. Et ça marcha. Bientôt, le silence se fit. Le braqueur avait vidé le chargeur de son arme. Keelan s'autorisa à ouvrir les yeux. L'homme balança son revolver au sol, avant de se précipiter vers le conducteur.
- Arrêtes-toi et ouvre la porte !
Le bus freine. La porte du bus d'ouvrir quelques secondes plus tard. L'homme se précipite dehors. Il tombe sur la voie. Rampe à quatre patte. Veut s'échapper du véhicule. Keelan regarde la scène malgré elle. Une voiture arrive. Elle déboule à pleine vitesse. Elle va vite. Trop vite. Le braqueur na la voit pas arriver. Elle non plus. Elle ne le voit pas. La collision est proche. L'impact est inévitable. Elle ferme les yeux. Il va mourir. C'est la fin. Il meurt. La voiture freine. S'arrête. Mais c'est trop tard. Il est mort. C'en est fini. Tout est fini.