Le Soleil se levait à peine, mais le vent soufflait déjà en rafale dans les couloirs rocheux de Saint Aegolius. Là où la distance séparant les murs suffisait à peine à laisser passer une chouette, la brise produisait un genre de hurlement strident, qui révélait bien l'ambiance générale. Ici ne pouvait régner que le mal. Et ces sortes de hurlements étaient un bon moyen de sélectionner les recrues. Celles qui n'étaient pas capables de tenir sans trembler face à de tels bruits servaient de proie, de test pour les plus valeureux. Et finissaient toujours par être tués.

En parlant de recrue, aujourd'hui avait lieu le Tupsi d'une nouvelle recrue. Et pas n'importe laquelle. Bec d'Acier misait beaucoup sur cette recrue à la lignée si puissante. Et pour cause, ce n'était autre que le fils d'Aegis et d'Asymay, deux de ses meilleurs chouettes. Et comme le Tupsi se devait d'être à la hauteur du personnage - car Bec d'Acier n'était jamais satisfait, il poussait toujours - Aldébaran n'aurait pas à tuer un ami, mais un membre de sa famille. Proche. En réalité, c'était sa grand-mère, une vieille chouette nommée Phénix. Une bonne chouette, mais comme pour tant d'autres, le Grand Tyto n'avait aucun scrupule à la sacrifier, car si Aldébaran sortait vainqueur, alors il gagnerait au change. Et sinon ? Et sinon, soit ce serait la jeune chouette qui y resterait, et alors Sa pureté n'aurait aucun regret, car le jeune n'était pas à la hauteur, soit les deux finiraient blessés, ou l'un refuserait de tuer l'autre, et alors Bec d'Acier les ferait punir tous les deux. A sa façon.

Il savait que tous l'attendait. Il savait qu'Aldébaran était perché sur ces à-pics si tranchants. Et pourtant, il ne se pressait pas. Il terminait son en-cas, un mulot dodu, qu'il mangeait avec lenteur, se délectant du moindre morceau. Car oui, le Grand Tyto n'avait aucun scrupule à se faire attendre. Pas plus qu'il n'en avait à faire souffrir les chouettes, à leurs imposer des choix impossibles. Car il ne voulait pas de faibles dans son armée. Pas de chouettes trouillardes. Il ne voulait que des sanguinaires, prêt à tuer n'importe qui quand il le leur demanderait. Et c'était aujourd'hui à Aldébaran de le faire.

Scrutant l'horizon, il déploya ses larges ailes de jais, et prit son envol, sans un bruit, mais dans un courant si puissant qu'il fit valser les quelques ossements restant de sa proie. Ses coups d'ailes étaient mesurés. Chaque centimètre de son corps était prêt à se tendre, et pourtant, il était parfaitement détendu. Mais empreint d'une puissance qui imposait le respect. C'est pourquoi, quand il pénétra dans la Grotte Commune où aurait lieu le Tupsi, et que le soleil à peine levé projeta son immense ombre sur le sol, tous les bavardages se turent. Se posant dans un silence parfait, il avança lentement, faisant cliqueter ses immenses serres sur le sol froid. Sa voix était rauque, et implacable, lorsqu'il commença.

« Sang-Purs, en l'aube de ce jour, nous voila de nouveau réuni. Car une chouette a à prouver sa force et sa détermination. Elle doit me prouver qu'elle est digne de rester parmi nous. Car chacun sait que les faibles ne sont pas admis. Chacun sait qu'aucune faiblesse ne lui ai permis. Que la peur est à bannir. Et que seule la force vous mènera loin. »

Se redressant, son masque d'acier projeta une reflet argenté sur le sol. De son unique oeil valide, il passa ses troupes en respect. Toutes au garde-à-vous. Toutes prêtes à s'entretuer s'il le demandait. Mais aucune ne pouvant le battre, ni même lui arracher une plume. Parce qu'il était Bec d'Acier. Se redressant, il avança au bord du promontoire, dominant les nombreux tytos, et tourna sa large tête noire vers un pic rocheux, où une silhouette était dissimulée dans l'ombre. Silhouette dont on voyait uniquement les yeux, comme deux braises. L'Heure était venue pour cette chouette de jouer sa vie.

« Avance-toi, jeune chouette, que chacun sache que seul la force peut triompher. »

[Il croit que le vieille chouette qui est une inconnue est Phénix, c'est bien ça ? Et en fait Aldé va tuer un chouette « commune » et non sa grand-mère. Si c'est ça, j'avais bien compris, sinon j'ai pas compris ]

La jeune chouette s'avança, son pelage éclatant projetant des reflets sur les parois de la grotte. Il s'inclina, puis déclara :

« Je suis prêt, votre Pureté. »

Ce dernier cligna d'un oeil, lentement, signe qu'il avait entendu. Se retrouver aussi près du Grand Tyto était, pour la plupart des jeunes chouettes, une épreuve terrifiante. Mais Aldébaran ne semblait pas si inquiet. Ou du moins, il s'efforçait de ne pas paraître effrayé. Et quand bien même il l'était, Bec d'Acier s'en fichait. La chouette cachait sa peur, c'était le plus important.

Laissant là le jeune mâle, le Grand Tyto se redressa, et se retourna vers les gardes alignés près de l'entrée d'une minuscule grotte, si sombre qu'on la voyait à peine. De sa voix rauque, il ordonna :

« Qu'on amène la vieille chouette.»

On entendit alors un faible gémissement, un léger battement d'ailes, puis les gardes, après, s'être débattus un instant avec la chouette en question, l'amenèrent devant Bec d'Acier. Elle tremblait de peur, et minouchait autant qu'il était possible. Et dire que le Grand Tyto avait cru que c'était un soldat de valeur. Peu importait, au fond. D'un geste de la patte, il fit signe aux soldats de reculer. Puis, il posa son unique oeil, aussi sombre et terrifiant que le plus profond des gouffres de St Aegolius, sur la jeune chouette qui attendait son épreuve.

« Tu sais ce que tu as à faire.»

Puis, se redressant et scrutant les tytos amassés, tous au garde-à-vous, et clama :

« Seule un Tyto fort et puissant, dénudé de pitié, peut triompher. Voyons s'il est capable de Tuer sa propre grand-mère pour devenir un Soldat des Sang-Purs, et ainsi se couvrir de gloire !»

[Désolé, pas trop d'inspiration :3]

Lorsqu'il découvrit sa futur victime, le jeune Tyto resta de marbre. Au moins cachait-il bien ses sentiments. Un bon point. Les Faibles qui pleurnichaient à la moindre occasion n'avaient pas leur place ici. Pas plus que les trouillards ou les douillets. En combat, il arrivait fréquemment que des ailes soient cassées, que des plumes soient arrachées ou que des entailles soient ouvertes. Mais un vrai soldat n'y prêtait pas attention, et ne s'en occupait guère, ce qui finissait par laisser des cicatrices. Témoignage de la puissance et de l'expérience d'un Tyto. La preuve en était ; Bec d'Acier et sa terrible blessure inspirait le respect et la crainte à toutes les générations. Personne n'osait le contredire, ni même le contrarier volontairement. Il était le Grand Tyto.

Il y eut des plumes, des cris, de l'agitation. Mais tous restèrent impassible. Seul comptait le résultat. Qui ne se fit pas attendre. Et lorsque Aldéraban tua sa victime, il y eut dans son regard comme une leur de Défi. Un lueur qui plu à Bec d'Acier, et qui dessina une grimace plaisante sur sa face. Oui, il avait là un véritable guerrier. Aussi doué que ses ascendances. Sa victime étendue par terre, son plumage tâché de sang, il attendait la suite. D'un mouvement de tête, Sa Pureté fit signe aux soldats, qui trainèrent la dépouille, et la jetèrent du haut du promontoire. Après quoi, Bec d'Acier se mit en marche, ses larges serres cliquetant sur le sol rocheux, son ombre se calquant sur les paroi froide. Personne ne bougeait. Tous le fixait. Comme à chaque fois qu'il faisait quelque chose.

De sa démarche puissante et prometteuse de terrible coups, il rejoignit son nouveau Soldat, qu'il fixa un instant dans les yeux. Après quoi, il s'approcha au plus près du promontoire, et balaya ses troupes rassemblées là. Il était l'instigateur de tout cela, le Maître, le Chef incontesté. Et il ne cessait d'accroître sa puissance en s'entourant des Meilleurs Soldats qui soient. De Véritables machines à tuer, sans pitié, sanguinaires et puissants. Comme ce jeune Tyto. Alors, déployant ses larges ailes de jais, il tapa une fois de la serre, produisant un son aigu et sec, qui se répercuta dans toute la grotte. Puis une seconde fois. Puis une troisième fois. Et petit à petit, tous se mirent à faire de même. Un écho incroyable et puissant, parfaitement rythmé. Une acclamation à ce Nouveau Soldat.

« Je jure allégeance à Sa Pureté, Grand Tyto et Maître Incontesté de toute chouettes et hiboux. Je promet devant Glaucis et le peuple Tyto de donner ma mort pour lui si cela est nécessaire. Gloire aux Tytos ! »

Ce dernier n'en attendait pas moins que cela. Des soldats sans peur, et prêt à mourir, même pour une mission de moindre importance, si tant est qu'il y en avait. Des soldats ayant peur de la mort, Bec d'Acier n'en voulait pas. Parce qu'ils étaient peu efficaces. Incapables. Dérageant. En général, quand on lui en signalait un, il le convoquait dans sa grotte. Et personne ne le revoyait plus. Peut-être était-ce aussi ce qui faisait sa réputation. Ce qui faisait que la plupart de ses soldats tremblaient - même les plus courageux - quand ils venaient dans sa grotte, parce qu'aucuns ne savaient ce qui l'attendait.

Il aimait ça. Se sentiment de crainte et de respect qu'il inspirait. Et ce du uniquement à ses propres actions. Personne ne l'avait aidé. Il avait battu Ezylryb. Il avait battu les Gardiens. Il avait perdu son oeil, et une bonne partie de son visage. Et il ne devait à personne sa gloire et son rang. Personne. De toute manière, personne n'était vraiment capable de rivaliser - seul - contre lui. Et peu d'entre ceux-là s'y laisseraient tenter.

Son regard fixé sur Aldébaran, il ferma lentement son œil valide, puis le rouvrit, signe qu'il n'en attendait pas moins de la jeune chouette, et qu'il avait pris note de son serment. Puis, sans plus de Cérémonie, il se retourna, et s'approcha du bord de la grotte. Il n'était pas du genre poli et respectueux. Il était le sommet de la chaîne. Il avait tout permis. Scrutant les horizons, il déploya ses larges ailes, et dans un puissant battement d'ailes - qui provoqua une bourrasque dans toute la grotte - il s'envola. Une fois encore, une jeune chouette était passé du bas de la chaîne aux plus hauts rangs, grâce à lui. Sans plus que quelques paroles, et un combat. Parce qu'il pouvait demander tout ce qu'il voudrait, on lui obéirait.

[Fin pour Moi, on termine sur ta réponse ? :)]