La jeune femme n'avait pas été surprise que le roi ne lui ait pas répondu. Sa requête, il la connaissait par coeur et lui avait maintes fois qu'il ne voulait plus jamais l'entendre. Isabel préférait demander, des fois que ce dernier changerait d'avis, ou qu'il serait enfin enclin à l'écouter et non pas seulement la faire obéir. Isabel avait donc prit doucement la main d'Uriel pour le suivre dans cette promenade. Elle aimait sortir du château de temps en temps, il l'avait peut-être remarqué. Silencieuse comme personne, elle traversait les couloirs en prenant bien soin d'éviter le regard des autres. Elle n'avait pas choisi cette position et n'aimait pas être confronté par ces êtres maléfiques. Ils étaient tout ce qu'on cherchait à fuir dans ce monde. On ne pouvait pas leur faire confiance et encore moins conclure d'alliance avec eux.

Lorsqu'ils mirent le pied dehors, Isabel se tenait toujours très près d'Uriel. Certes elle aimait l'air de l'extérieur, mais avec tous ces êtres la dévisageant, c'était autre chose. Isabel trouvait étrange que le roi n'engage pas la conversation du tout. En même temps, elle préférait cela. Avait-il seulement voulut faire cette promenade pour se dégourdir en sa compagnie ou avait-il autre chose derrière la tête ? Plus ils avançaient vers le boisé d'Yshdar, moins la saran se sentait confortable. Elle n'était jamais vraiment venu dans cette partie du royaume. Le paysage n'était pas bien plaisant à regarder de toute façon. Jetant quelques coups d'oeil à Uriel qui demeurait silencieux, Isabel se contentait de suivre sans prononcer le moindre mot. Ces bois étaient loin d'être aussi beaux que ceux de Veor. Elle ne savait pas trop à quoi elle s'était attendu en le suivant. De la belle verdure, un endroit sain avec des cervidés galopant autour d'eux ? La vision qu'elle avait devant elle était plus que décevante.

Elle fut surprise de voir Uriel l'ignorer totalement pour s'en aller faire ses trucs dans son coin. Haussant les épaules pour elle-même, Isabel se détourna en observant tout autour d'elle. Que c'était laid. Soupirant profondément, elle finit par ramener son attention sur ce qu'il fabriquait puis baissa les yeux sur ses propres poignets en entendant le même tintement métallique, ou presque. Sa gorge se resserra. Elle n'aimait pas la situation. Ces choses étaient là pour la protéger lui avait-il dit un jour. Était-ce seulement vrai ?

Levant la tête lorsqu'il s'approcha d'elle, Isabel l'observa avec attention en cachant ses mains dans son dos rapidement. Elle ne comprenait pas ce qu'il lui disait. Sa respiration s'était accéléré très rapidement. Le poids qui pesait sur son dos ? De quoi parlait-il !? Isabel regardait nerveusement autour d'elle. Il n'avait vraiment personne d'autre. La jeune femme le regardait toujours dans les yeux alors qu'elle tentait de retenir ses mains dans son dos. Lorsqu'il réussit à les atteindre, sans trop de difficulté, une chose inattendue se produisit. D'un déclic, ses bracelets tombèrent sur le sol alors qu'Isabel sursauta avec les yeux ronds. Pourquoi ? Ne le quittant pas des yeux, la jeune femme recula de quelques pas à son tour en titubant. Sans savoir pourquoi, elle se mit à chercher des yeux ses bracelets alors que ses yeux prenaient un teinte lumineuse, jaune. Son visage laissait paraître une douleur atroce qui l'envahissait alors qu'elle titubait pour s'agripper à un tronc mort. La noirceur commençait à prendre le dessus, comme le jour où elle avait tué sa mère et plusieurs des siens. Respirant difficilement entre ses cris, Isabel laissa échapper un "non" strident en secouant la tête avant de lever un visage totalement différent vers le roi. À bout de souffle, les yeux brillants plus que jamais, Isabel leva un main griffue vers son propre visage en s'entaillant la joue profondément en laissant échapper un drôle de rictus. D'une voix forte, rouillée et dominante, elle fit à l'intention de l'autre :

- Ton discours était bien beau mais je n'en ais rien à fouttre. Elle n'aura jamais sa place, surtout pas pour que tu la contrôle !!! Elle n'est rien du tout, qu'une enveloppe et encore. Jamais je ne lui laisserai ma place, JAMAIS !

La profonde entaille qu'elle venait de se faire s'était tout de suite refermée en un rien de temps. La transformation était plus longue, normalement ce n'était pas supposé. Au fil du temps c'était sensé prendre de moins en moins de temps mais il y avait un bail qu'elle n'était pas sortie ! Faisant un pas de plus vers Uriel, la bête renforça en tonnant :

- Pauvre Isabel, tout ce qu'elle veut c'est que je disparaisse pour de bon. Elle a peut d'elle-même. T'aurais du la voir paniquer quand t'as retirer les bracelets !!! Elle ne veut pas coopérer, et moi non plus !!

La saran en elle avait effacé la personnalité d'Isabel complètement. Il n'y avait qu'avec les bracelets que l'ourse était complètement supprimée mais encore là Isabel ne se sentait pas plus en sécurité. Maintenant que le sceau n'était plus ... La bête avait poussée la jeune femme dans un coin pour prendre la place. Son côté animal avait eut raison d'elle. L'ourse était la dominante, Isabel la dominée. Ricanant pour elle-même, elle laissa aller un grognement féroce avant de reculer et de changer de forme complètement en un rugissement faisant trembler la terre sous eux. Pour la bête, la douleur n'était rien en la comparaison de la satisfaction qu'elle ressentait en ce moment même. En ce qui concernait Isabel, elle ne tenait plus. La douleur était indescriptible. Elle sentait tout ses muscles se déchirer, sa tête exploser et perdre le contrôle. S'il y avait bien une chose qu'elle détestait c'était cette étape et aussi celle où elle se réveillait par la suite, complètement fébrile et au bord de la crise de nerf. Elle s'était toujours dit qu'un jour la bête finirait par bien prendre le dessus sur elle, et à ne plus lui laisser de place. Il y avait de vieilles légendes que les anciens racontaient, et ça se passait comme ça. Cette fois, Isabel se sentait sombrer bien loin, sans même pouvoir voir la lumière.

Dans un grondement triomphant, la bête frappa tout ce qui se trouvait autour d'elle. Immenses rochers, troncs d'arbres et même le sol. Ce que ça faisait du bien ! Tout le reste paraissait bien insignifiant maintenant, même ce roi de ce royaume stupide. S'approchant de lui rapidement en faisant trembler la terre sous ses pattes, la bête le toisa longuement avant de pousser un rugissement et de faire claquer son immense mâchoire près de sa tête. Ses yeux jaunes finirent par se tourner et la saran détala dans la position opposé à celle du roi. Croyait-il vraiment qu'elle allait rester là à attendre ? Surplombant la plupart des arbres, la bête s'amusa à les balancer de tout bord tout côté en prenant soin d'en lancer un ou deux dans la direction d'Uriel.

On pouvait s'imaginer la bête triomphante, marchant, courant vers un étendu volcanique qu'elle ne connaissait pas. Et Isabel, l'humaine tenant à peine sur ses genoux en tremblant de tout son corps en se tenant la tête entre ses deux mains, luttant contre la bête qui ne lui laissait aucun répit. Jamais elle n'allait y arriver, jamais elle ne sortirait de cet endroit.