Il n'y a pas que la pratique, mais également la théorie à maîtriser pour devenir un excellent forgeron ! C'était ce qu'on avait donné comme conseil à Gorol pour l'inviter gentiment à se rendre à la bibliothèque du Grand Arbre pour en apprendre plus sur son propre apprentissage. Il trouvait cette réflexion... Bizarre, voire tordue. Ça le dérangeait de suivre cette façon de penser, mais comme c'était son ryb préféré qui le lui avait ordonné, la chouette des terriers se contenta de faire ce qu'on lui demande de faire. Même s'il ne s'agissait que de lire un ou deux livres, il sentait déjà l'ennui morose qui allait l'habiter pour le temps qu'il passera devant des bouquins. Avec un peu de chance, peut-être trouvera-t-il un passe-temps pour justement s'amuser un peu. Mais il était trop tard pour y réfléchir en chemin, car déjà il fut arrivé devant l'entrée de la bibliothèque.

L'apprenti forgeron n'eut à faire que quelques pas pour se retrouver avec de longues rangées de livres alignés pratiquement à la perfection. On dirait que tout a été calculé par une chouette maniaque, ou alors que le ménage a été fait récemment. Un pas de plus, et il put remarquer deux chouettes à peine plus loin, une qu'il ne connaissait pas, et l'autre qu'il ne connaissait que trop bien à son goût. Otulissa, la ryb de Ga'hoologie. S'il avait un jour une peur insoutenable, c'était de faire parti de ce squad dont la chouette tachetée était responsable. Désormais, il était devenu un apprenti forgeron sous l'aile de Bubo, donc il n'avait plus de effroyable pensée qui pesait sur sa conscience chaque jour. Pourtant... La voir le mettait un peu mal à l'aise, malgré tout. Déjà qu'il était mal parti parce qu'il devait aller à la bibliothèque pour lire et apprendre, maintenant, il devra s'accoutumer de la présence de cette chouette-là.

Au fond, au plus profond de son être, Gorol espérait que deux miracles se produisent. La première, c'est qu'Otulissa ne le remarque pas, et qu'il soit tranquille dans son coin à bouquiner. La deuxième, c'est de trouver ces livres le plus rapidement possible pour pouvoir repartir d'ici le plus tôt possible. Mais par où commencer ? Il y en avait tellement, et même s'ils étaient rangés par rayon, ça ne lui disait pas quel livre parlait du métier de forgeron. Peut-être s'il passait par-là... Non, ça c'était de la biologie, ça n'avait rien à voir avec les minéraux. Enfin, c'est ce qu'il pensait, tout du moins, peut-être avait-il tort... Qu'en savait-il ? Si seulement quelqu'un pouvait l'aider !... Quelqu'un d'autre que cette Otulissa dont il avait si peur ! Oh bah, peut-être cette autre chouette qu'il ne connaissait pas pouvait l'aider. Il s'approcha de cette inconnue avant de lui adresser la parole.

Gorol failli sursauter quand il entendit la voix d'Otulissa, lui lançant un regard apeuré par l'élégante chouette tachetée qui lui servait parfois de sources de cauchemars. Non pas qu'elle était terrifiante, mais la chouette des terriers... Ne saurait l'expliquer, il la craignait, c'est tout. Quand elle revint avec un livre qui, selon elle, lui conviendrait, c'est sans bouger d'une plume qu'il hissa une patte et attrapa délicatement le livre entre ses serres avant de balbutier timidement un "merci" arraché de son bec. Quand il eut le champ libre, le jeune apprenti pu poser ses yeux sur les mots qui formaient le titre de l'ouvrage. La forge et ses bases expliquées aux plus jeunes. Oh bah avec ça, il avait déjà de quoi faire. Gorol allait s'en aller de son côté quand la chouette qu'il ne connaissait pas commença à se présenter.

Jelal. Non, en effet, il ne connaissait pas du tout ce personnage ici présent. D'un côté, il y avait tellement de chouettes dans cet arbre qu'il n'en connaissait même pas une dizaine, pour sa part. Actuellement, ce n'était pas le moment de faire une liste de ses amis, juste de faire connaissance avec cette nouvelle chouette. Il s'appelait donc Jelal. Et bien, au moins ce Jelal n'était pas Otulissa, c'était déjà ça de gagné. Cette dernière n'avait pas besoin de se présenter, elle état une des rybs les plus connus, après Ezyrlyb évidemment. Quant à la chouette des terriers... Elle se racla rapidement la gorge avant de parler avec une voix intimidée par la présence de la chouette tachetée, sans oublier de minoucher terriblement face à elle.

Si un jour il y parviendrait, l'apprenti forgeron surpassera sa peur face à Otulissa. Mais ce jour n'était pas encore arrivé, et la ryb de Ga'hoologie continuerait de le terrifier jusqu'à ce que quelqu'un fasse quelque chose. En espérant, bien sûr, que ce ne soit pas Otulissa qui fasse ce quelque chose, ce serait non seulement le comble, mais en plus, Gorol s'en retrouverait traumatisé. C'était limite qu'il ne crachait pas une pelote avant de s'envoler loin d'ici, mais il parvenait à garder son calme en repensant à Bubo, son ryb préféré. C'était lui d'ailleurs qui lui avait demandé de se rendre à la bibliothèque pour en apprendre plus sur les forgerons. Il savait ce qu'il faisait, pensait Gorol tout bas, pour se rassurer.

Un jour, Gorol fut envoyé avec Arald pour sa première leçon comme charbonnier. Le principe étant qu'il devait découvrir les coutumes du squad des charbonnier, jusque là, rien de bien difficile. C'était quand la ryb lui avait demandé d'aller chercher des cendres au milieu d'un incendie que les soucis commencèrent. Un charbon falgadant bondit juste devant la chouette des terriers et, par instinct, partit à sa poursuite. Cependant, tout tourna au vinaigre, et une couronne de feu jaillit et l'encercla plus vite qu'on ne puisse battre des paupières. Arald était heureusement venue à son secours pour le sauver de ces horribles flammes, et il en fut sorti indemne et sans dommages. Un peu roussi, mais rien de bien grave. Le moment le plus intense dont il se souvenait, c'était cette grosse frayeur qui lui avait traversé le gésier quand il crut que son heure avait sonné.

Face à Otulissa, c'était plus ou moins la même chose, et quand elle prit une voix qui se voulait rassurante, automatiquement, Gorol sentait son gésier fondre d'effroi. À croire qu'il avait contracté une phobie envers la chouette tachetée. Quand elle approcha son visage du sien, il enfonçait sa tête entre ses ailes de peur tout en faisant de grands yeux ronds exprimant la terreur qu'il ressentait. Décoincer sa pelote ? Comment l'expliquer... Son gésier était tellement ramolli qu'il ne parvenait plus à en tirer quoique ce soit. Cette ryb de Ga'hoologie, en avoir horreur serait un petit mot, mais serait également déplacé s'il l'avouait. Disons plutôt qu'il avait tellement peur de rejoindre ce squad dans ses mois passés qu'il en fit une maladie. Ça n'était pas contagieux, tant mieux, sinon toutes les jeunes chouettes n'arriveront plus à dormir dans leur nid douillet.

Pourtant, ça n'était quand même pas avantageux pour la chouette des terriers qui se tenait là, face à Otulissa. Car LUI, il était porteur de cette maladie, et ses racines s'enfonçaient très profondément dans son esprit à l'apprenti. Peut-être bien qu'il finira par s'y habituer, d'une manière ou d'une autre. En attendant, Jelal lui posa une seconde question. Après son nom, son squad. Là, la fierté le requinqua illico. Il se redressa héroïquement avant d'annoncer avec un peu de tact.

À entendre Jelal, on dirait qu'elle chérissait le squad de Ga'hoologie. Même en échange d'un câlin, la chouette des terriers ne parviendraient pas à en faire de même avec un air aussi honnête et convaincant, surtout devant Otulissa ! Pendant que le hibou des marais déballait son long monologue, Gorol regardait alternativement la pipelette et la ryb, inquiet de sa réaction. Si ça se trouve, elle y verra une supercherie, et leur collera un moxilex aussitôt pour avoir manquer de respect à une des branches principales du Grand Arbre, et ce, devant la chouette responsable de cette branche. Terrifié à l'idée de se faire punir par la chouette tachetée, l'apprenti forgeron resta immobile, seul sa tête tournait vivement sur son corps, s'attendant à tout instant à entendre la vieille ryb à leur gueuler dessus.

Alors que le mâle avait terminé son long discours, Gorol continuait de poser son regard sur les deux chouettes l'une après l'autre, puis à fixer Otulissa d'un regard traumatisé. Jamais de la vie elle ne prendra au sérieux ces phrases mâchées et travaillées à longueur de journée pour s'en servir un jour dans un but inconnu et quelconque. Oh ça, pour déblatérer, Jelal était doué, mais pour être persuasif, surtout face à la crainte ryb de Ga'hoologie, la petite chouette était certain qu'il faudra plus que des mots. Oh Glaucis, faites qu'elle ne lui fasse pas de mal. À la limite, elle pourrait le priver de sortie, mais jamais il ne supportera de rester cloîtré à l'idée d'avoir froisser Otulissa. Si un hagsmon passerait par là, pour sûr qu'il se cacherait derrière ses plumes.

Serrant le livre entre ses serres, il le plaça devant lui comme s'il s'agissait d'un bouclier qui le protégera de la colère de la chouette tachetée. Si seulement Bubo était là, ou bien Arald au moins... Non, même en présence de rybs qu'il aimait bien, celle de Otulissa persisterait à l'accabler de toutes sortes de maux dans son gésier qui, d'ailleurs, se tordait de douleur en imaginant milles supplices qu'elle lui fera subir pour cet affront de la part de Jelal. Quand cette pensée traversa l'esprit de la chouette des terriers, comme un déclic, elle se redressa soudainement, poussant un vif soupir. La pression était trop forte, Gorol s'évanouit.