Les Chroniques d' Asymay

Prologue

Tout était noir. La nuit s'était abattue sur les Royaumes des Chouettes et avait emportée avec elle les dernières lueurs du jour. Les reflets des rayons du soleil avaient teintées le ciel de lueurs rosées et orangées. Les animaux diurnes allaient dormir, ils rentraient dans leurs tanières, retournaient dans leurs terriers. Pas tous. Pour d'autres, c'était le début d'une nouvelle journée. Dans ces Royaumes, il y avait une forêt, assez grande, avec pleins de résineux. Dans ces sapins, de nombreux trous avaient étés creusés par des chouettes. Cette forêt... La forêt de Tyto, bien connue pour ces habitants – les chouettes Tytos, qui portaient d'ailleurs le même nom-, voyait naître chaque nuit de nombreux oisillons. Mais la menace de St-Aegolius existait toujours, malgré la victoire de Soren sur les Sangs-Purs, il y a quelques années. Ces enlèvements inquiétaient les parents, mais aussi les Gardiens, qui pensaient avoir stoppés ces disparitions. De toute évidence, les Sangs-Purs avaient un nouveau plan.

Crrr... Crac...Crac... Craac !

-''Chérie, l'oeuf éclot ! Il éclot !''
-''Calme toi, mon amour, si il te plait !''
Le grand mâle Tyto Longimembris au plumage moucheté de brun, de orangé et de noir semblait paniqué. L'autre chouette, au plumage tout aussi coloré, était cependant beaucoup moins agitée que son compagnon,
-''Fabius, chéri, calme toi, c'est mauvais pour la petite !''
Fabius, le père, se ressaisit et se pencha sur la coquille en morceux de sa fille, La voix fluette et rassurante de Cellesta reprit :
-''Qu'elle est belle ! Il lui faut un nom, un joli nom ! Oh, je sais ! Appelons-là Asymay, comme cette honorable chouette que nous avons rencontrée lors de notre voyage !''
Le père acquiesça, et les deux Effraies des Prairies se regardèrent en souriant, des larmes de joie coulant sur leurs joues.

Deux années plus tard...

- ''Sérieux ? Mon nom vient d'une vieille chouette complètement barjo ? Papa, pourquoi t'a pas empêché Maman de m'appeler comme ça ? C'est la honte !''
Fabius éclat de rire. Un puissant rire guttural et caverneux. La voix de son père s'était éraillée, durant ces années, et la vieillesse n'avait pas arrangé les choses. Ses plumes s'étaient un peu décolorées, ainsi que l'éclat de fougue qui brillait autrefois dans ses yeux. A côté, il y avait Cellesta, la mère d'Asymay, belle et gentille Tyto aux grand cœur. Et pour finir, Asymay, qui était désormais une jeune chouette courageuse et rebelle. Des plumes brunes et orangées commencaient à pousser sur son dos. La forme de ses ailes se dessinait peu à peu, mais une chose se démarquait encore du reste. Ses yeux, d'un bleu glacial, il perturbaient et intriguaient les autres oisillons. Si bien que personne ne voulait jouer avec elle. Elle s’entraînait donc à se battre et à voler en attendant de pouvoir quitter le nid familial.
-''Tu arrive à décoller sans faire trop de bruit, mais il te manque encore la puissance ! Pousse avec tes ailes, sens l'air passer au travers de tes petites rémiges !''
Le souffle coupé, Asymay réessayait, encore et encore, toujours prête à recommencer, à se perfectionner. Elle et ses frères avaient hâte de partir, et de voler de leurs propres ailes. Ils étaient convaincus que rien ne pourrait les arrêter. Chacun d'eux savait exactement ce qu'il voulait faire : L'un aimait la forge, et voulait créer des armes plus belles les unes que les autres, l'autre adorait défendre les faibles, et il était sur qu'il rejoindrait les Gardiens. Asymay éprouvait un dégoût à l'égard de ce dernier. Tout ce qu'il faisait était destiné à aider les autres, à sauver le monde de la menace des Sangs-Purs. Dans l'ombre, Asymay réfléchissait. Ses frères occupaient la vie de ses parents, et elle réfléchissait, dans son coin, seule. Elle prit sa décision un jour de la Pluie d'Or, alors que le soleil venait de se coucher, et que la chaude nuit de l'été prenait doucement place dans les cieux. Elle devait apprendre à voler. C'était sa seule chance de partir d'ici, et de vivre sa vie. Cette nuit, la lune se cachait derrière une ombre. Bientôt, elle reprendrait sa course, et l'ombre s'en irait, laissant place au disque lunaire. Pour le moment, elle se cachait, timide, farouche, telle une petite chouette blanche qui hésite à sortir de sa coquille. Asymay sortit et inspira doucement. Il était temps. Elle s'apprêtait à se jeter dans le vide, quand des cris retentirent derrière elle. Un grand hibou gris et brun se frayait un passage dans le creux. Il commença par détruire tous les nids, et marcha sans aucune pitié sur les souris soigneusement disposée par Cellesta pour le dîner du soir. Il s'attaqua ensuite aux chouettes. D'un puissant coup de serres, il déchira la poitrine de Fabius. Le sang gicla, éclaboussant le sol poussiéreux du trou. La rage aveugla Cellesta. Avide de vengeance, elle se jeta sur le hibou. En un geste, il la repoussa, telle une brindille que l'on fait tomber négligemment de son aile. Il l'écrasa de tout son poids, et d'un ample mouvement, il lui planta le bec dans la nuque. Le sang coula à flots. Le sang. Le sang de sa mère, le sang de son père... La tête lui tournait. Apeurée, collée contre le mur, avec ses deux frères, Asymay pleurait doucement. Cette nuit, elle n'était pas prête de l'oublier. Tout tournait autour d'elle. L'odeur du sang lui montait à la tête, elle eut l'impression que tout autour d'elle était rouge. Rouge, rouge... Elle repoussa la tête de son grand frère qu'il avait posée sur son épaule.. La haine emplit les yeux bleu de glace de la jeune Tyto. Elle poussa un hurlement de rage et arracha une touffe de plume au colosse gris et brun. Il se retourna, et Asymay vit ses yeux. Rouges. Rouges... comme le sang. Comme le sang de son père, de sa mère, qui avaient coulés sans raison. Il s'apprêtait à la tuer, comme ses parents, quand, d'un mouvement désespéré, elle bondit hors du nid. Tout tournait, elle ne voyait plus que du rouge, et des formes floues. Elle agitait les ailes, de toutes ses forces, elle espérait que ses premières rémiges seraient assez puissantes pour la soutenir dans les airs. Elle se redressa, ouvrit les yeux, et battit des ailes, encore, et encore. Elle s'éloignait du creux, laissant derrière elle les corps inertes de ses parents, et leur assassin. Il restait encore ses frères, derrière, ils devaient être entrain de se faire tuer, eux aussi. Cependant, la fatigue la gagnait, et ses ailes ne purent bientôt plus bouger. Elle tenta de se poser sur une branche, mais elle trébucha, et tomba, La chute ne fut pas longue. Le choc lui coupa le souffle. Elle n'arrivait plus à bouger, ni à respirer. ''Ça y est, je vais mourir. Je n'aurais durée longtemps. Désolée, papa, maman, vous me faisiez confiance.'' pensa-t-elle.

Des formes floues dansaient sous ses yeux. Elle essaya de les ouvrir, mais le soleil l'éblouit. Ou était-elle ?

Ils étaient tous morts de peur. Ils ? Oui, Asymay n'était pas seule. Des tas d'autres  petites chouettes gémissaient autour d'elle, des Tyto Alba, des chouettes des Terriers, des chouettes tachetées, et bien d'autres espèces de chouettes. Elle leva la tête et vit de grandes colonnes de pierres en pointes qui dominaient par leur hauteur même les plus haut sapins de la forêt de Tyto. Sur chacune d'elle se dressait un garde, coiffée d'un casque noir de basse qualité, dont les yeux rouges fixaient les jeunes chouettes. Le silence qui régnait habituellement était brisé par les gémissements des oisillons. Certains surveillants tentaient de les calmer, mais cela ne fit qu'empirer les choses. Ils récitèrent un long discours d'une voix monotone, comme si ils étaient habitués à dire cela :

- « Chers petits, vous êtes désormais sous la protection des Sangs-Purs, vous leur appartenez, vous devez leur obéir. Oubliez vos parents, ils ne vous seront plus utiles désormais. Chacun d'entre vous trouveras sa vocation, ce pourquoi il est venu au monde. Pour le moment... »

Il n’eut pas le temps de finir. Le vent siffla, et une silhouette blanche passa au dessus des têtes des jeunes chouettes. Quand elle se posa, tous purent la voir distinctement. Une belle Tyto Alba au plumage plus blanc que le neige, aux grand yeux d'un bleu de glace, un peu plus clairs que ceux d'Asymay, aux longues ailes effilées et aux marques rouges entre les deux yeux se tenait à présent devant eux. La jeune Tyto Longimembris éprouva alors une grande admiration pour elle. Elle se jura de devenir comme elle. Nyra, car c'était son nom, se présenta comme la Reine de notre nouvelle famille, et épouse du Grand Tyto. A cette époque, il était jeune et inexpérimenté. Elle descendit de son perchoir, et passa devant les jeunes orphelins en examinant chacun d'eux, l'air pensive. Lorsque ce fut le tour de la jeune Asymay, Nyra s'arrêta un peu plus longtemps que les autres, considérant avec curiosité cette Tyto qui n'était pas très commune.

-"Une Longimembris ? Intéressant. Je ne sais que faire de toi, jeune chouette..."

Elle sembla réfléchir un instant, avant de déclarer :

-" Soldate."

Asymay leva fièrement la tête. Lorsque son voisin Tyto Alba fut désigné trieur, elle commença a ressentir de la haine envers lui. Il n'avait pas sut se montrer à la hauteur de sa pureté. Pureté ? Mais quelle était ce mot ? Elle ne l'avait jamais entendu ! Il était sorti de son bec, comme cela. Comme si c'était son destin de le prononcer.