Chapitre 5
écrit par Nartya-Léporid'Z
Plus moyen d'appeler des SOS aux automobilistes sans se faire embêter par des piafs surexcités et zinzins. MAIS IL SE PASSAIT QUOI AUJOURD'HUI ?! Je devais rêver, c'était cela, je devais rêver...
Et d'abord, pourquoi ces corbeaux venaient-ils s'en prendre à moi ?! Je leur avais rien fait !
Je remarquai soudain que les étranges oiseaux noirs me regardaient de leurs grands yeux noirs. Un regard à vous faire froid dans le dos. On aurait cru que leurs yeux étaient dénudés d'émotions. Je reculai en poussant un glapissement ridicule. Depuis quand je glapissais ? Ah, oui, une heure ou deux environ.
« Viens ma belle… On va pas te faire de mal, croassa l'un des deux. Tu m'as l'air affamée, viens avec nous voir le grand Seigneur Kadavr, il a une gigantesque réserve de racines toutes fraîches...
- DE RACINES ?! hurlai-je, indignée. Mais c'est dégoûtant ! »
Les deux corvidés se regardèrent, l'air étonné. Soudain, le canard surgit et se plaça entre moi et les gothiques. Pourquoi les gothiques ? Franchement, à voir leur tête, c'était le seul mot qui me venait à l'esprit.
« Est-ce des manières de traiter une gente oiselle ? Bande de scélérats, de croupions pourris, apprêtez vous à subir le courroux de ma colère et mon talent inégalable en m... »
Les deux corbeaux semblaient n'avoir rien à faire du pauvre canard et le contournèrent. Ils s'approchèrent de moi et l'un d'eux me sauta dessus. Par pur réflexe, je donnai un violent coup de bec à mon assaillant, qui se tordit de douleur et s'écrasa au sol. L'autre se jeta alors sur moi, comme l'avait fait son prédécesseur et me griffa violemment le ventre. Je le repoussai et me mit à pleurer. J'étais très douillette, et malgré la minuscule plaie qu'il m'avait laissé, j'avais mal.
Le canard, qui jusque-là avait discouru sans remarquer que les corbeaux m'attaquaient, remarqua mes larmes et se jeta sur le corbeau. Il le plaqua au sol, et approcha son bec près de celui de l'autre.
« Tu retouches encore UNE SEULE FOIS, mais alors une seule fois à la damoiselle, je te jure que je te fais bouffer tes ignobles plumes une par une, et je renvoie ton cadavre à Kadavr. »
Il lâcha un petit rire étouffé après sa blague et lâcha le corbeau, qui à peine relevé s'envola, suivi par son ami qui était encore un peu assommé. Puis le canard se tourna vers moins avec un air qui se voulut rassurant, et s'approcha de moi. Je reculais, encore un peu bousculée après tout ce qui venait de se passer depuis tout à l'heure. Qu'est-ce qui me disait que celui-là ne me voulait pas du mal, comme les pigeons ou les corbeaux.
Mais comme s'il eut lu dans mes pensées, il me regarda et me dit sur un ton réconfortant :
« Non, je ne m'appelle pas pigeon ou corneille, je n'utilise pas ma vaillance et mon courage sans limites pour m'en prendre aux belles dames... Vous permettez ? » lança-t-il en désignant du bout de son aile ma blessure.
J'approuvai avec un petit hochement de tête. Il s'approcha alors un peu plus près de moi et regarda mon ventre dont les plumes étaient tâchées de sang. Je poussai une petite plainte lorsqu'il souleva les plumes pour mieux voir la plaie.
« Aïe, ça risque de s'infecter. Viens avec moi, grâce à mes puissants dons en médecine, on va nettoyer ça au Q.G.
- Non je peux pas... Je dois retrouver ma famille déjà et tout ça, ils vont s'inquiéter s'ils me voient pas rentrer !
- Bah je vous accompagne, il est de mon devoir de protéger les jeunes damoiselles.. »
Je baissai la tête... Une boule s'installa dans ma gorge.
« Comment dire... S'ils me voient débouler comma avec un canard qui parle... murmurai-je en regardant mes ailes.
- C'est-à-dire ? ILS SONT CANAROPHOBES C'EST CELA ? Pfff, les gens sont si bêtes de nos jours... Comment peuvent-ils ne pas remarquer immédiatement mon talent incommensurable ?
- Non, non, pas du tout... C'est que... »
Je me fis toute petite et je détournai mon regard du sien.
« J-j-je suis pas un cygne...
- Hein ? lança-t-il, l'air peu convaincu.
- Je suis humaine... »
Il y eut un grand blanc, durant lequel je n'osais dévisager le canard. Et soudainement, il fut pris d'un grand éclat de rire.
« J'y ai cru pendant un instant, votre humour est d'un niveau presque égal au mien ! HAHAHA ! »
Vexée, des larmes se remirent à couler sur mes belles plumes blanches. Honteuse, je tournai le dos, sanglotant. Jamais je ne reverrais ma famille ni mes amis. Jamais... Même si je les retrouvais, ils ne me reconnaîtraient pas. Je ne pourrais rien leur expliquer, ils n'entendraient que des glapissements ridicules.
« Je plaisantais, bien évidemment, mon humour sans limites est à pleurer de rire ! Et puis, mon sens de déduction sans pareil avait deviné qu'une si belle demoiselle tel que vous ne pouvait pas mentir !
- V-v-vraiment, murmurai-je en me retournant et en essayant mes larmes avec l'une de mes ailes.
- Seule la pure et sincère vérité est autorisée à sortir de mon bec, répondit-il en me faisant un regard charmeur. »
Il me draguait ou quoi ? On aurait pu le croire, et c'était sûrement d'ailleurs le cas. Vu la façon dont il me regardait et la manière dont il s'exprimait, je faisais mieux de me méfier. Peut être que comme chez les humains, certains canards violaient les belles canes... Brrr.
« Oh, je ne me suis pas présenté, je suis la charismatique, le fantastique, l'élégant, le foudroyant, l'exception...
- Vous êtes ?
- J'y viens, j'y viens ! Je suis Fire-Duck, pour vous servir... Et quel patronyme peut-on associer à cette gente damoiselle que vous êtes ?
- Je m'appelle Chloé, lâchai-je d'un ton neutre. »
Fire-Duck hocha la tête.
« Un nom enchanteur pour une créature enchanteresse. »
Il leva les yeux au ciel. Le soleil se couchait, teintant le ciel d'une magnifique couleur orangée et ses nuages d'un rose léger. Je soupirais, désespérée. Je n'avais aucun endroit où aller. J'étais bonne à crever. Soudain, je me rappelai ce qu'avait dit le canard.
« Vous ne deviez pas m'amener à votre Q.G ?
- Aaaah... souffla Fire. Vous êtes impatiente de découvrir la fabuleuse forteresse qu'est notre quartier général...
- Oui, bien sûr, répondis-je, jouant le jeu. Il me tarde de découvrir ce lieu magnifique.
- Parfait, suivez-moi ! Je suis une véritable flèche dans les cieux, mais je tâcherais d'y aller doucement ne vous en faites pas. »
Il déploya ses ailes et s'envola sur quelques mètres. Je me mis à courir après lui en hurlant.
« ATTENDS !
- Qu'y a-t-il ? J'allais trop vite, c'est cela ? dit-il en atterrissant.
- Non, le truc c'est que...
- Quoi ?
- Je sais pas voler. »
______________
J'étais essoufflée, j'en pouvais plus ! On avait marché une dizaine de kilomètres, on avait pris trois heures et quelque avant d'y arriver enfin ! On était situés en plein cœur de la ville. Je me sentis rassurée. Au moins ces canards ne vivaient pas dans une mare paumée en pleine forêt. Nous marchions dans des ruelles sombres et peu fréquentées. Voir un cygne et un canard se promener ensemble dans les rues ça n'allait pas le faire.
« On y est presque. »
Ils devaient sûrement vivre dans un petit appartement. Pas très confortable mais sûrement habitable. Finalement, nous prîmes la direction d'un cul-de-sac.
« Tenez, fermez les yeux, je veux vous faire la surprise. »
Je l'écoutai et avançait doucement. Je sentis son aile se poser sur la mienne. Après quelques secondes, il la lâcha et me chuchota à l'oreille.
« Regarde et admire mon humble demeure. »
J'ouvrai les yeux. J'étais bec bé. Non pas d'éblouissement, mais d'horreur. Les trois canards de tout à l'heure étaient présents et me regardaient, l'air intrigués. L'un d'eux pataugeait dans une benne à ordures, et le blessé dont le bec était couvert de fiente de pigeon se faisait nettoyer le visage par un jeune caneton.
Fire désigna ses compagnons de l'aile.
« $-Duck, Microbe, il ne vaut rien, oublions-le... Et Wonderful. Tiens sors de là toi, faut faire de la place à notre invitée, la ravissante Chloé. »
Tandis que les canards me regardaient en chuchotant, je restais muette, pétrifiée devant la grosse benne à ordures. Ils vivaient là-dedans. ILS VIVAIENT LÀ-DEDANS !
« Attends, je vais vous montrez votre lit.
- Q-q-que... »
Fire-Duck voleta et atterrit dans la benne à ordures.
« Je suis d'un généreux... Je vais vous laisser ma couchette, la plus confortable à des kilomètres à la ronde.
- J-j-j...
- Venez, venez.
- JE VAIS PAS DORMIR DANS UNE BENNE À ORDURES QUAND MÊME ?!
- Trop confortable pour vous ? On... On peut s'arranger vous savez ... »
Furieuse, je me jetai dans la benne en poussant un cri. J'ouvris mes ailes et essayait de faire tomber cette saleté de canard. Ce que je réussis à faire. Horrifiés, ses compagnons s'approchèrent de lui, l'air inquiet.
L'un d'eux, le dénomme $-Duck, se jeta sur moi en hurlant. Je tombais sur le dos, tandis que le canard essayait de me mordre.
« Je vais te buter!
- N-non ! Attends ! Tu retouches une seule fois à la demoiselle c'est toi que je bute. »
Fire s'était relevé et fixait l'autre d'un air noir. $-Duck sortit de la benne en crachant, visiblement offensé, tandis que je me relevais en secouant mes ailes. Euuurk. Mes plumes blanches étaient tâchées de bruns et je sentais le poisson pourri à pleines narines.
« C'est juste dé-gueu-lasse ! »
Je retournais par terre en tremblant, dégoûtée, quand Fire s'approcha de moi.
« Demain on ira au parc, tu te laveras t'en fais pas. »
Enragée, j'ignorais les canards et hurlait pour moi-même.
« FUCK MAIS POURQUOI MOI ?! Je demandais rien j'avais une vie tranquille point ! Pourquoi je suis un cygne d'abord hein ?! C'est moche, c'est pataud, c'est lourd, c'est moche les pattes palmées ! »
Les quatre oiseaux étouffèrent des grognements.
« Et d'abord ça bouffe que du poisson !
- Des racines, rectifia Microbe, tout bas.
- ON S'EN FOUT TON BEC ! Ah, pourquoi ces cons de pigeons ne m'ont-ils pas transformé en perroquet ! En cacatoès !C'est mignon, ça sait parler, j'aurais pu retrouver ma famille et leur expliquer, et c'est...
- Stupide. » lâcha $-Duck.
Furieuse je lui assénai un violent coup d'aile et partit dans un coin de la ruelle, seule à l'ombre. Les canards, visiblement inquiets, restèrent là où ils étaient, et mine de rien, s'éloignèrent, m'ignorant. Je m'écroulai au sol, fondant en larmes. J'avais tout perdu, TOUT. Le bruit lointain des véhicules résonnait dans ma tête, tandis que je sanglotais.
Quelques minutes plus tard cependant, j'aperçus une petite silhouette s'approcher de moi. Fire-Duck se plaça à côté de moi.
« Je suis désolée, enfin... Mes sbires sont désolés pour tout à l'heure, vraiment... »
Je ne répondis pas.
« Nous tâcherons de vous aider vous en faites pas. On va retrouver ces abrutis de pigeons, leur foutre une raclée, et trouver un antidote ou un machin du genre, et tout redeviendra comme avant vous en faites pas. »
Je le sentis se coller à moi. Autant tout à l'heure je l'aurais envoyé boulé pour ses manières de pervers que dans ce grand moment de solitude, ce contact me réchauffait le cœur. Au point que lorsqu'il se leva pour repartir, je fus remplie de déception.
Je m'endormis, rongée par la peine.