C’était en hiver, lors d’une nuit d’un noir profond assez inhabituelle. Peu d’animaux avaient osé sortir de leurs nids, leurs tanières… enfin de leurs abris. En effet, ils sentaient que quelque chose de spécial aller se produire, toute la forêt de Tyto retenait son souffle. Malgré la clarté de la Lune, il faisait vraiment trop sombre, cela pouvait devenir opressant pour certains, dans les plus superstitieux. D’après eux, il allait y avoir un évènement qui bouleverserait le monde entier, en bien, ou en mal.

Dans un des plus hauts et imposants sapins, une famille était en émois. Elle était composée d’un couple de chouette effraies, des couleurs et des caractéristiques typiques de leur espèce, et de leur fille ainée, qui leur ressemblait énormément, cette dernière n’allait pas tarder à quitter le creux, elle n’était rester que pour voir naître son petit frère, ou, sa petite soeur. Les trois chouettes étaient réunis autour d’un œuf, en silence, et pourtant, leur agitation était palpable, à l’idée d’assister à un naissance, qui constituait un évènement magique pour toute chouette ayant un minimum de sensibilité. Et cette famille en faisait partie, et attendaient avec impatience que le moment tant attendu arrive.

Justement, il arriva, un léger bruit de craquèlement retentit. Les tytos alba, connu pour leur ouïe très développée l’entendirent sans mal. Ils se figèrent, attentifs au moindre changement. La dent d’éclosion apparut soudainement, perforant ainsi l’œuf, et un poussin minuscule apparut alors. A ce moment là, une comète apparut, zébrant le ciel, et disparut aussi vite qu’elle ne l’était venu, mais personne dans le creux s’en aperçut.

Le père dit, d’une voix tremblante d’émotion :
"Alors, c’était donc un garçon."
La mère, trop heureuse pour parler se contenta d’aquiescer, elle était vraiment ému. En voyant cela, son compagnon se tourna ensuite vers sa fille, une jolie tyto répondant au nom de Yéna, pour lui annoncer :
"Yéna, nous te laissons le choix du nom, nous sommes sûrs, ta maman et moi, que tu en trouveras un très beau pour notre fils, pour ton unique petit frère."

Cette dernière ouvrit de grands yeux étonnés, car c’était le cas, elle était vraiment surprise de la demande de ses parents. Elle contempla cette petite boule de duvet toute blanche, qui essayait de tenir debout, puis annonça d’une voix décidée mais heureuse :
"Nous l’appellerons donc Eyden."
Elle ne savait pas comment elle avait fait pour penser à ce prénom. Mais quelle importance pour l’instant ? Elle aimait déjà le petit de tout son cœur, de même que ses parents. Ces derniers approuvèrent son choix avec allégresse.

Très vite, Eyden parvint à se mettre debout, et fixa sa famille avec de grands yeux. Sa mère fut surprise par son regard, qu’elle n’arrivait vraiment pas à définir. Il était tellement intense, elle se douta alors que de grandes choses étaient réservées à l’avenir de son oisillon. Ses yeux était noirs, comme toutes les chouettes effraies, mais sa mère en était incapable de s’en détacher. Un étrange silence s’abbatut dans le creux, les trois adultes étant étonnés par ce petit. Justement celui-là prit la parole d’une petite voix :
« Bonjour Papa et Maman. Bonjour Yéna, ma grande sœur. »

Les trois autres étaient émus et sa mère ne tarda pas à oublier son regard. Ils n’allaient pas tarder à fêter la cérémonie de l’Insecte pour Eyden. Ces cérémonies étaient toutes des étapes importantes pour les poussins, et les parents prenaient plaisir à les respecter à la lettre, cela leur faisait tellement plaisir de voir leurs enfants évoluer !

A ce moment là, ils ne pensaient pas à ce qui allait arriver…

Quelques jours s’étaient écoulés, Eyden avait bien sûr bien changé. Il était prêt à commencer ses leçons dans les branches, car ses plumes avaient bien poussées. Chose étonnante pour lui, et pour ses parents, il s’était trouvé qu’il avait un plumage d’un blanc éclatant et uniforme, peu commun chez les chouettes effraies. Mais il s’en fichait complètement, ses parents n’avaient pas encore pris la peine de le lui expliquer, même s’il n’allait pas tarder à s’en douter vu leurs regards furtifs. Sa sœur, quand à elle, était partie vivre dans un autre creux, très occupée dorénavant, elle ne venait presque plus au grand creux familiale, ses rares visites étaient toujours une joie pour Eyden qui l’adorait, et c’était réciproque.

Lors de la première leçon d’Eyden dans les branches, sa sœur était malheuresement absente pour lui. Il était perché avec son père sur une des plus hautes branches de leur grand sapin. Ce dernier regarda son fils, son plumage resplendissait à cause de la lumière renvoyée par la Lune, ce qui lui donnait une silhouette presque iréel.

L’effraie blanche, quand à elle, fixait la Lune. Tandis que son père lui expliquait les premières consignes, il se sentit comme transporté dans un autre monde, c’était une sensation étrange, pensa-t-il, étrange mais agréable malgré tout. Il déploya alors ses ailes, et prit son envol. Il décrivit quelques cercles autour du sapin, volant parfaitement sur les brises tout en les anticipant. Son père, et sa mère qui était sorti pour regarder, étaient tout les deux, bec bé. Eyden se posa près d’eux, et en voyant leur regards bizzarres leurs dit d’une voix hésitante :
« Et bien, ce n’était pas cela qu’il fallait faire ?
-Si mon chéri, répondit d’une voix tremblante sa mère.
-Mais normalement, tu n’aurais pas dû y arriver si tôt, enchaîna son père. »

En voyant Eyden se recroqueviller, ses parents se sentirent honteux, et tout en le raccompagnant à l’intérieur, ils lui caressèrent son plumage blanc étincelant encore, pour l’apaiser, mais aussi pour les rassurer eux-même. Son père dit alors, d’une voix qu’il voulait enjouée :
« Aller, ce n’est pas si grave ! Bien au contraire ! »

Mais cela, il n'y croyait plus. A partir de ce jour, il changea totalement d'attitude, se mettant à fuir sa famille. Il comprit qu'il était différent. Différent pour son plumage d'un blanc anormal, à cause de son aptitude à avoir voler sans apprendre, et encore, il pensait que c'était tout...

Je m'appelle Eyden, je suis une chouette effraie des clochers, connue également sous le nom de tyto alba. J’ai toujours pensé être comme les autres, et pourtant, j’avais tort, vous n’allez pas tarder à le découvrir…

Aujourd'hui, était un jour comme les autres. Mais depuis un certain évènement, je n'étais plus le même. Depuis que j'avais réussi à prendre mon envol du premier coup, mes parents ne me regardaient plus du même œil. Je n'avais plus aucun contact avec ma sœur, et je m'enfonçais dans une solitude qui pourrait être fatale. Mes parents l'avaient bien remarqué, mais ils ne savaient plus quoi faire, ils me laissaient de plus en plus seul et faisaient de plus en plus de messes basses ensemble.

Ma place n'est plus ici, dans ce nid. Ce n'est plus possible d'y vivre. Je dois faire peur à mes parents, ce n'est pas juste. D'abord mon plumage anormalement blanc, et ensuite le vol. En plus, j'étais très petit de taille, ce qui ne faisait que plus surprendre mes parents. Apparamment, je n'étais pas le fils idéal, je leur posait trop de questions auxquels ils ne savaient pas quoi répondre, et je n'étais pas comme les autres en apparence

Un jour j'étais perché dans un autre arbre de la forêt de Tyto, au dessus d'une petite rivière. Je fixais la Lune, comme le premier jour où tout avait commencé. Soudain un éclait, j'ai piqué malgré moi dans les orties, et quand je me suis relevé, j'ai senti une sensation bizzarre aux yeux. Ma vision s'est troublé, j'ai été pris de vertiges, j'ai dû rester quelques minutes au sol, couché, sans aucunes forces. Pendant tout ce temps, un scénario défilait à toute vitesse dans ma tête.

C'était ma naissance, je venais de le deviner. Je fus frapper par la noirceur de la nuit, le siulence inquiétant et pesant de la forêt. Mais pas par l'effervescence du nid. Il se vit lui-même éclore, avec sa famille regroupé autour de lui. Mais ce qu'il retint le plus c'était la comète qui venait de zébré le ciel à l'instant où il avait cassé sa coquille, et surtout le regard de sa mère.

Lorsque je me suis relevé, je titubais encore, supportant mal ce que j'avais vu. J'avais toujours une sensation étrange aux yeux, que je ne saurais expliquer. Je me suis regardé distraitement dans l'eau, et je fus frappé d'horreur. Mes yeux ! Ils avaient changé ! J'avais les yeux bleus, ils n'étaient plus noirs. Mais pourquoi ? Pourquoi moi ? Qui étais-je au juste ? Toutes les chouettes effraies ont les yeux noirs, c'est bien connu.

Je ne me voyais vraiment pas revenir au nid, mes parents auraient trop peur. Non, je ne pourrais pas survivre à leur rejet, il faut que je m'en aille tout de suite. Mais où ? Je n'en avais aucune idée. Si seulement je me faisais accepter, ce serait déjà un miracle. Mais le problème était encore le même. Où cela pourrait-être ? Peut-être était-il condamné à vivre seul, sans famille, sans amis, pour toute sa vie ?

Bon, alors, ce qui était déjà sur, c'est qu'il ne retournerais pas chez lui. Il allait voler dans la limite du possible. Oui, c'est ce que j'ai de mieux à faire pour le moment. Qui sait ? peut-être que je trouverais des amis ? Oh que se serais bien !

Dans la nuit, une petite chouette s'envola donc, seule, tache blanche dans la nuit, sans un regard en arrière...